Interview de Clarisse Agbegnenou

Multiple championne olympique et du monde de judo, maman et très engagée dans de multiples combats en dehors des tatamis, Clarisse Agbegnenou est un modèle pour de nombreuses sportives.
Clarisse Agbegnenou, championne olympique de judo

L’INSEP joue un rôle clé dans la formation des athlètes. Comment est-ce que l’INSEP vous accompagne, au quotidien, dans votre vie de maman ?

L’INSEP joue un rôle particulier puisque ma fille est à la crèche de l’INSEP, et, tout est mis à ma disposition pour m’entraîner au mieux afin de pouvoir allier les deux. Et ce depuis que je suis devenue maman en 2022 jusqu’à aujourd’hui.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes filles qui souhaitent se lancer dans le sport de haut niveau, mais qui hésitent en raison des barrières encore existantes ?

Déjà de croire en ses rêves, de croire en ce que nous avons envie de faire et en nos objectifs. Et surtout de ne laisser personne nous dire le contraire.

Est-ce que la place des femmes dans le sport progresse selon vous en France ?

La place des femmes progresse, mais il reste encore beaucoup à faire. C’est vrai qu’on pensait hériter d’un bel héritage des Jeux de Paris, mais ce n’est pas tout à fait le cas. Il faut donc encore continuer à travailler. Les femmes doivent sans cesse faire leurs preuves. Donc, courage à toutes !

Avec notamment 5 médailles olympiques, vous êtes la plus grande judoka française de l’histoire. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

C’est vrai que je ne me rends pas réellement compte d’avoir autant de médailles à mon actif, mais en tout cas, j’en suis très fière. Je pense que lorsque j’arrêterai ma carrière, je serai impressionnée par mon palmarès. En attendant, je n’y prête pas tellement attention et je me dis que j’ai encore beaucoup de choses à travailler et à faire.

Vous êtes devenue la porte-parole de nombreuses sportives sur des thématiques qui les touchent directement, comme la maternité. Est-ce que vous mesurez ce rôle de modèle ? Y a-t-il des figures féminines qui vous ont inspirée à titre personnel ?   

C’est vrai qu’on me dit toujours que je suis un rôle modèle. Ce n’est pas un rôle que j’ai voulu prendre, mais en tout cas, j’en suis très fière ! Si je peux aider des jeunes filles à progresser et à se dire « Oh, elle a réussi ! », parce que j’étais par exemple une enfant prématurée, alors tant mieux. Pour des enfants qui ont eu une naissance prématurée ou pour des parents qui ont des questions sur l’avenir de leurs enfants, si je peux jouer ce rôle-là, c’est avec grand plaisir. Mon rôle modèle reste Serena Williams. Je l’aime sous toutes ses facettes !

Clarisse Agbegnenou, championne olympique de judo

Dans les nombreux combats qui vous tiennent à cœur, il y a notamment l’aide aux parents et proches d’enfants prématurés. En tant que marraine de l’association « SOS Prema », qu’est-ce que cet engagement vous apporte ?

Avec « SOS Prema », c’est vraiment un échange mutuel. Quand je me suis engagée dans cette association, je me suis dit : « j’ai du vécu, j’ai été une enfant prématurée, je peux parler des choses qui me tiennent à cœur et aider les parents et les enfants à se dire qu’il n’y a pas de barrière. » Ce n’est pas parce qu’on est né en avance qu’il y a forcément des problématiques, même si certains en ont plus que d’autres. Finalement, on peut tout faire : on peut être astronaute, prof de maths, sportif de haut niveau… Tout est accessible, il faut juste s’en donner la peine !

En dehors des dojos, vous êtes également adjudante dans la gendarmerie nationale. Comment parvenez-vous à porter ces multiples casquettes ?

C’est vrai que j’ai beaucoup de casquettes, mais cela n’a jamais été un problème et je suis très fière de celle-ci. Je suis aussi dans l’armée des Champions, ce qui apporte encore une autre corde à mon arc.

En tant que femme judokate de haut niveau, avez-vous rencontré des obstacles spécifiques liés à votre genre durant votre carrière ?

Alors oui, j’ai rencontré des obstacles spécifiques. Quand j’étais toute jeune, on me disait toujours : « Tu es une fille, pourquoi tu fais du judo ? », « Ce n’est pas un sport pour toi », ou encore à cause de ma couleur : « Tu ne gagneras jamais », « Tu n’es pas assez forte », « Tu n’es pas assez technique » ou « Tu n’apprendras pas assez vite », des choses comme ça. La directrice de mon école primaire me disait que j’étais trop turbulente, que je n’arrivais pas à me concentrer, donc que je n’arriverais à rien. Finalement, c’est elle qui m’a conseillée de faire un sport de combat, je me suis mise au judo et aujourd’hui, j’ai une belle vie, de belles valeurs, et j’en suis très fière.

Une grande majorité de téléspectateurs déclarent avoir regardé autant de compétitions féminines que masculines lors des JOP de Paris 2024 (Source : ARCOM - Rapport sur la place des femmes dans les médias audiovisuels et numériques). Quel impact a eu la hausse de la médiatisation du sport féminin d’après vous ?

Je pense que plus les médias vont montrer du sport féminin, plus les personnes auront la possibilité de le regarder. Moins ils en diffusent, moins ils pourront les voir. Pour les Jeux Olympiques, il y a eu tellement d’émotions, surtout chez les femmes. Les Français ont pu voir qu’elles « s’arrachaient » autant que les hommes et qu’elles donnaient tout ! Mais je dis toujours qu’on a toujours besoin des deux, et c’est important de pouvoir montrer, dans ce monde, qu’il y a aussi des Hommes avec un grand « H ».

Vous avez déjà annoncé vouloir agrandir votre famille. Déjà tournée vers Los Angeles pour ce qui seraient vos quatrièmes Jeux, est-ce que votre vie de famille est devenue une force nécessaire à votre réussite sportive ?

Oui, bien sûr, ma vie de famille, c’est vraiment ma force. Je me dis que depuis que j’ai Athéna, je ne me suis jamais autant battue. Je me bats également pour lui montrer et lui inculquer ces valeurs-là : se battre pour ce que nous avons envie de faire. J’ai envie d’agrandir ma famille, mais je vais attendre puisque j’ai encore quelques objectifs à aller chercher au niveau du judo avant de faire cette pause, pour revenir et me qualifier pour les Jeux de Los Angeles.